Le retour du briseur de chaînes
20 km et 900 m de dénivelées, positive et négative, ce doit être une surprise pour nombre de mes lecteurs me connaissant de longue date de me savoir devenir coureur à pied. Ca en aurait été une pour celui que j'étais il y a quelques années! Lequel n'a pas changé; on ne change pas, on évolue, un peu, au gré des circonstances. Dans le secteur des sucs de Montfol, Taupernas et autres, question sentiment de liberté, simplement mettre un pied devant l'autre deux bonnes heures à bon effort sans fatigue limitante génère des sensations peut-être plus grandes encore que le vélo.
Lequel reste ma discipline de prédilection. Un bon demi-million de kilomètres montagneux sans lassitude, c'est un signe.
Dont pas mal chrono déclenché. La liberté dans le surpassement. Se sentir exister par le fonctionnement organique poussé haut. Sans gloire, c'est toujours mieux qu'en "emmerdant ses voisins", chantait Georges Brassens. Au diable les "idéaux sacro-saints", "vivons simplement tout simplement pour que les autres puissent vivre", mais vivons pleinement par simple respect du cadeau vital.
Course à pied mercredi, vélo jeudi. Les fibres brisées de la veille n'empêchent pas l'entrain à l'attaque une nouvelle fois de la dure grimpée de la Route des Crêtes au départ du Cheylard. A très peu près, 5 km, 500 m d'élévation, du travail de grimpeur. Avec un gabarit de rouleur, il faut le vouloir.
Je le veux et même que la jambe tombe bien le 39/23. Les temps intermédiaires sont bons, l'acceptation d'un surcroît d'acidose musculaire pour les 5 dernières minutes est validée, la chaîne est descendue sur le pignon de 21, la concentration se porte sur le contrôle du souffle.
Contrôler, contrôler, obsession?
Il y a un grain de sable. La chaîne ne veut pas rester sur le 21. Qu'à cela ne tienne, je finirai en force sur le 19. Elle n'est pas plus docile. En vélocité sur le 23. Idem. Incontrôlable, la courroie de transmission.
Voilà qu'elle tombe du 39. Arrêt! Un regard: brisée! Un juron; pas méchant. Rappel à la prétention du contrôle total.
Descente, vélociste, nouvelle chaîne, repas sur le pouce mais en douce compagnie, léger parce que pas question d'en rester là et c'est reparti.
Sensations? meilleures encore! L'arrivée au point fatidique se fait avec 30 secondes d'avance sur la précédente, 60 sur la dernière édition achevée.
Mais. Nouveau grain de sable. Les réserves de glycogènes sont épuisées. La course à pied de la veille, le pédalage à haute intensité du matin, la légèreté du repas? Nouveau rappel à la condition humaine: c'est la fringale. 59 secondes de perdues sur les 5 dernières minutes devenues 6.
24'28 et une envie de dévorer à contrôler pour l'orienter vers une petite joie alimentaire au retour.