Où es-tu passé, Plateau Ardéchois?
Tour de France 1951. Le suisse Hugo Koblet est impérial. Au cours d'une des dernières étapes disputée sous la canicule, il demande un peu d'eau au toscan Gino Bartali. Dédaigneux, Gino le pieux saisit son bidon, boit une gorgée et déverse le reste sur la route. Quelques jours plus tard, lors d'un contre-la-montre d'une centaine de kilomètres, le Pédaleur de charme rattrape l'italien parti quelques minutes avant lui. Celui-ci n'a plus de bidon. Le suisse saisit l'un des siens, presque plein, et sans un regard le dépose avec dextérité dans un porte-bidon de son adversaire avant de filer vers un nouveau triomphe.
Acte de grande classe d'un cycliste qui en était particulièrement pourvu selon la légende du vélo qui fourmille de telles anecdotes, plus encore à sa belle époque des années 1950? Acte de provocation du triomphateur qui, on peut se poser la question du geste de Bartali, écrase plus encore un adversaire qu'il avait déjà méprisé? Méchanceté naturelle de l'italien dont la réputation de bonté ne serait que construction médiatique? On peut se poser de nombreuses questions mais nul ne saura jamais la réalité des faits et des intentions, qu'il est tellement plus sympa de légèrement mémoriser dans la naïve beauté d'un sport de surhommes disputé par de faibles hommes divinisés. Dans son magnifique film "L'homme qui tua Liberty Valence", John Ford fait dire cette savoureuse réplique au personnage Tom Doniphon, joué par John Wayne: "la légende est plus belle que la réalité? Imprimez la légende" ("This is the West, sir. When the legend becomes fact, print the legend").
Dégustons.
Fermons les yeux, voyageons en 1951, et imaginons au sens propre les deux scènes. Koblet, Bartali, les attitudes, le geste de Gino, celui d'Hugo, la vista. Et hop. Waow!
Ce n'était que du vélo.
On a tous ses histoires, tous ses réalités, tous ses légendes. C'est tellement plus joyeux, souvent, d'imprimer les légendes dans son disque dur cérébral. A en faire des vérités. Ca allège.
Certaines sont douces, tellement douces. Choyons les, ne les laissons pas corrompre par des supputations malsaines qui nous empêcheraient de continuer à en construire de nouvelles, nous interdiraient les joies futures. La vie se distingue de la survie par la joie. Laquelle est, aussi, une envie, un choix même.
Regarder et reregarder "L'homme qui tua Liberty Valence", "La vie est belle" de Frank Capra, toujours avec l'acteur James Stewart l'inoubliable "Monsieur Smith au sénat", s'offrir "Itinéraire d'un enfant gâté", notre dernier film, trois mois, un été, relire "un Accord Toltèque", faire le choix du sourire.
Ici et là.
Là, à Bourlatier, mon dernier passage: une apparition. Le temps s'était arrêté. Le sourire de Bourlatier. A jamais imprimé. Plus d'un mois déjà. Une éternité, si proche. Le temps file. Plateau Ardéchois, tes fantaisies me manquent. D'autres se construisent. Là et ici.
Ici s'est arrêté au Bois de Cuze, hier matin. A son orée, où le Plateau commence. Demi-tour. Bien sûr, le Col de Juvinas, Thieuré, les monts et vaux de la châtaigneraie déjà cévenole, à mi-hauteur, c'est chouette à promener, comme ce doit l'être à y vivre.
Wembley, match international, un geste d'une maitrise exceptionnelle au service de la fantaisie. Merci aux bouffons!
Dernière séance